Départ
Comme une étoile filante piégée dans ton orbite, oh mon trou noir, ma matrice de déni, je sais ta peine, ton trouble et ta souffrance. Ce monde ravageur enferme ses nouveaux nés dans le cercueil, et l'ombre grandit qui referme ses crocs sur la chair si fraîche des âmes perdues.
Elle agitait son trident dans le ciel d'azur, t'enveloppait dans ses nuages noirs, j'avais beau essayer, elle me jetait au sol, piétinait mes espoirs, jamais assez de sang sur mes mains, de frayeur dans mes yeux, d'arrogance dans ma voix.
Je me suis roulé dans les souillures des ordures et comme un chien parfumé à l'odeur des déjections de gibier, je me suis approché d'elle si prêt que j'ai pu renifler son odeur, la peur!
Terrorisée au fond de son lit, dissociée de sa base, ballotée comme une brindille emportée par les vents fous d'une tornade, l'ombre n'avait plus que la peau sur les os, et ces os ne tenaient plus ensemble. Un habile tortionnaire avait creusé en chacun, des trous à la chignole pour y passer de fins fils de fer qu'il avait tordu entre eux pour rassembler la carcasse éparpillée lors de ses rites funèbres.
J'étais face à la mort. Rien ne pousserait plus qui ne soit illusoire au sein de ce corps à moins qu'un miracle ne survienne; et ce miracle ne pouvait être moi. J'en fis mon deuil.
Il serait long de t'expliquer les étapes pas lesquelles il m'a fallu passer. Disons qu'en bout de course, la joie et l'assurance me sont revenues aussi sûrement qu'une aube après la nuit.
Je laisse là une pierre, de sorte que mon départ ne vienne à rompre ton équilibre fragile. Si tu décryptes les signes que j'ai gravés sur sa surface mi lisse, mi rugueuse, lis les, c'est la prière dont je te pars avant mon ultime décollage, mon collier de pâtes pour ta fête des mères, car quoi qu'il en fut, tu as su être tendre, subtile et courageuse, malgré la fièvre rageuse que tu dispensais tous alentours, l'air de ne pas y toucher.
Je m'en vais donc, libre de toi, libre de moi, libre de tout, libre pour tout.
Si tu vois une étoile, au loin, sillonner le ciel, n'oublie pas de la croquer dans les petits carnets qui te permettent de rêver encore au milieu des cauchemars dont tu as tapissé ta hutte. Je serai pour toujours ta promesse, ton refuge, ton île, ta citadelle. Plus tard un magicien, récoltera ce qu'il reste de toi et qu'aucune ombre ne ne pourra détruire, aurait-elle pour cela l'éternité devant elle.
Un jour un magicien prendra soin de ta fleur.
Un jour tu me reverras, posé sur ton coeur, étinceler tel une goûte de rosée, et l'amour d'une mère pour son enfant, d'un enfant pour sa mère, pourra naître.